Dans un même mou­ve­ment, la cho­ré­graphe ivoi­rienne Nadia Beu­gré offre et dérobe au regard les corps nus de cinq dan­seurs. Un jeu auda­cieux et radi­cal sur la per­cep­tion et les représentations.

Qui est cet homme rare, à qui Nadia Beu­gré dédie l’écrin d’une pièce créée en 2020 à Mont­pel­lier Danse ? Il échappe aux caté­go­ries et affirme la sin­gu­la­ri­té, les mys­tères et ambi­guï­tés de cha­cun. Il esquisse une réponse à cette ques­tion : qu’est-ce qui défi­nit et dis­tingue le corps mas­cu­lin ? Sur scène, cinq inter­prètes jouent de leur nudi­té : presque tou­jours de dos, ils déploient un voca­bu­laire lié à la sou­plesse du bas­sin, au déhan­ché ondu­lant, issu des recherches que Nadia Beu­gré mène depuis plu­sieurs années sur cer­taines danses urbaines, notam­ment au Bré­sil. La cho­ré­graphe les laisse libres d’embrasser l’imprévu, de dan­ser toutes les danses, tan­tôt réunis, tan­tôt lais­sés à eux-mêmes. Avec dou­ceur et audace, elle pour­suit ain­si ses recherches sur les iden­ti­tés et le genre, mais pas seule­ment : L’homme rare pose aus­si la ques­tion de la vul­né­ra­bi­li­té des corps nus, celle des attentes du public ou encore du regard occi­den­tal sur des corps noirs qui ont été mar­chan­di­sés pen­dant des siècles. En les mon­trant de dos, elle les cache à la vue, joue avec la ten­ta­tion du voyeu­risme pour lui pré­fé­rer le vacille­ment des évi­dences, le doux trem­ble­ment des remises en ques­tion et des interrogations.