En écho aux repré­sen­ta­tions de L’Étang pro­gram­mées à la Comé­die de Caen, le centre cho­ré­gra­phique pro­pose Tra­vaux 2003–2021, une ins­tal­la­tion de Gisèle Vienne autour des inquié­tantes pou­pées qui peuplent les pièces de la cho­ré­graphe, plas­ti­cienne et met­teuse en scène franco-autrichienne. 

Depuis vingt ans, le tra­vail de Gisèle Vienne se déploie sur scène – où elle s’est affir­mée comme une figure majeure du spec­tacle vivant – mais aus­si au fil d’un tra­vail plas­tique où pho­to­gra­phies, pou­pées, textes et musique arti­culent dif­fé­rem­ment une même matière. Les ins­tal­la­tions et expo­si­tions de Gisèle Vienne dia­loguent avec ses spec­tacles, par­tagent avec eux des enjeux esthé­tiques et concep­tuels. Depuis 2003, la plas­ti­cienne a créé une soixan­taine de pou­pées, à l’inquiétante étran­ge­té, que l’on retrouve dans plu­sieurs de ses pièces et dont une sélec­tion est ici pré­sen­tée. Loin d’être inertes, ces repré­sen­ta­tions d’adolescent·es sont des per­son­nages à part entière de ses pièces. Gisèle Vienne Tra­vaux 2003–2021 est l’occasion de plon­ger dans cet uni­vers sin­gu­lier et troublant.

“La cou­leur de l’angoisse.

Teints bla­fards, regards dans le vide, visages immo­biles, par­fois macu­lés de sang, de larmes, prennent vie dans des pos­tures ado­les­centes et des voix étouf­fées, comme autant d’in­dices d’une culture de la vio­lence refou­lée qui hante nos mythes de l’in­no­cence, de la pure­té, de la blan­cheur… Que racontent les pou­pées de Gisèle Vienne sur nous-mêmes, sur vous ? Quels récits de la souillure, de la bles­sure, licites défi­gu­rées par l’in­dif­fé­rence, le désir, les rires salaces, nous obligent-elles à regar­der en face, à écou­ter, à croire ? Elles sont si blanches ces pou­pées que la cou­leur de l’an­goisse nous prend à la gorge et au ventre.”
Elsa Dor­lin, philosophe