Ques­tions éco­lo­giques et pas­sé colo­nial sont au cœur des his­toires qui tra­versent les corps des quatre inter­prètes de Leçons de Ténèbres, la nou­velle créa­tion de Bet­ty Tchomanga.

Les leçons de ténèbres sont un genre musi­cal litur­gique du 17^e siècle, poly­pho­nies vocales repre­nant des extraits des Lamen­ta­tions de Jéré­mie, qui pleure la des­truc­tion de Jéru­sa­lem. Les Leçons de Ténèbres que créent aujourd’hui la cho­ré­graphe Bet­ty Tcho­man­ga, pleurent une autre des­truc­tion, celle de la Terre. Dans son essai Une éco­lo­gie déco­lo­niale, le doc­teur en sciences poli­tiques Mal­com Fer­di­nand pro­pose une nou­velle façon d’aborder la ques­tion éco­lo­gique en la reliant à l’histoire colo­niale. La figure du navire négrier y appa­raît comme une méta­phore poli­tique, le récit d’une autre his­toire du monde et de la Terre où sont pos­sibles la ren­contre et la cir­cu­la­tion des croyances, des pen­sées et des ima­gi­naires. Cette méta­phore entre en réso­nance avec les recherches de Bet­ty Tcho­man­ga sur le vau­dou et le mythe de Mami Wata, qui est au cœur de son solo Mas­ca­rades, pré­sen­té à Caen en mai 2022. À l’instar du navire de Mal­com Fer­di­nand, Leçons de Ténèbres mêle des images, des ima­gi­naires et des croyances issues de cultures domi­nantes et domi­nées. Dans la pièce, quatre danseur·ses déterrent ces récits qu’on ne vou­drait pas voir, que l’on a oublié, que l’on a vou­lu faire dis­pa­raître. Quatre corps cour­bés, qui creusent pour faire sur­gir l’invisible et s’en trouvent métamorphosés.

Née en 1989 d’un père came­rou­nais et d’une mère fran­çaise, Bet­ty Tcho­man­ga intègre en 2007 le Centre Natio­nal de Danse Contem­po­raine d’Angers, alors sous la direc­tion d’Emmanuelle Huynh, avec qui elle débute bien­tôt sa car­rière d’interprète. En 2014, à l’issue des études lit­té­raires qu’elle a pour­sui­vies en paral­lèle, Bet­ty Tcho­man­ga entame une col­la­bo­ra­tion au long cours avec la cho­ré­graphe Mar­lene Mon­tei­ro Frei­tas (d’ivoire et chair – les sta­tues souffrent aus­si, Bac­chantes, pré­lude pour une purge ou – Mal – Embria­guez Divi­na). Elle déve­loppe éga­le­ment sa pra­tique d’autrice et signe –A– Ou il a sur­ement peur de l’eau le pois­son en 2012 puis Le Rivage en 2013, col­la­bo­ra­tion avec Oriane Déchery et Jérôme Andrieu. En 2016, Bet­ty Tcho­man­ga intègre l’association Lola Gatt Pro­duc­tions cho­ré­gra­phiques en tant que cho­ré­graphe asso­ciée. En 2020 elle créée le solo Mas­ca­rades.