Le col­lec­tif Ès tra­vaille à une étude phy­sique du tube mon­dial La Lam­ba­da avec une pièce pour deux trios. Com­ment ras­sem­bler et rap­pro­cher les corps dans l’espace uto­pique d’une salle de spectacle ?

L’immense suc­cès de La Lam­ba­da en 1989, au moment où la chute du mur de Ber­lin et le triomphe d’un modèle poli­tique et éco­no­mique libé­ral ouvrent la voie à la mon­dia­li­sa­tion, est un mar­queur et un sym­bole. Telle qu’elle fait le tour du monde, la chan­son est un pla­giat d’un vieux mor­ceau boli­vien et char­rie nombre de cli­chés. Son uni­ver­sa­li­té est liée à un for­ma­tage musi­cal et publi­ci­taire, qui sera ensuite décli­né à l’infini. C’est sur cette méca­nique et ses enjeux que se penchent les trois cho­ré­graphes et inter­prètes du Col­lec­tif Ès, en pui­sant dans la ryth­mique de La Lam­ba­da un voca­bu­laire phy­sique : des corps qui se rap­prochent, se collent et se balancent, sans tou­te­fois jamais être dans l’esthétique de la chan­son. Cette recherche est aus­si une façon d’approfondir un tra­vail au long cours sur la forme du trio, ici dou­blé pour ouvrir aux enjeux d’une pièce de groupe : Com­ment ces trios peuvent être inter­dé­pen­dants et don­ner à voir la coha­bi­ta­tion de plu­sieurs indi­vi­dus au sein d’un groupe et de plu­sieurs groupes dans un même espace ? Le col­lec­tif tra­vaille pour cela à un nou­veau décou­page d’un espace scé­nique où plu­sieurs ter­ri­toires dis­tincts coha­bitent, par­fois par­ta­gés avec le public. Une façon de redon­ner à l’espace de la salle son aspect uto­pique, lieu popu­laire et ras­sem­bleur comme peut l’être un tube musical.

For­mé en 2011 par Sido­nie Duret, Jérémy Mar­ti­nez et Émilie Szi­ko­ra, le Col­lec­tif Ès est pro­fon­dé­ment tra­vaillé par la ques­tion du col­lec­tif, dans ses enjeux créa­tifs comme son rap­port au public. Le trio s’empare ain­si de thé­ma­tiques comme l’u­to­pie, le désac­cord, le pla­giat ou l’hé­ri­tage des réfé­rences popu­laires. La pièce Jean-Yves, Patrick et Corinne (2017), tra­vaille la notion d’interchangeabilité en créant un trio à cinq inter­prètes au pla­teau. 1ere Mon­diale (2019) part de trois solos pour déve­lop­per une pièce col­lec­tive. Fias­co (2021) a pour moteur le désac­cord au sein d’un col­lec­tif. Avec le pro­jet SHOT (2022), le trio invite trois artistes qui ne se connaissent pas pour créer une œuvre col­lec­tive et éphémère en seule­ment trois jours. Paral­lè­le­ment à ses créa­tions au pla­teau, le Col­lec­tif Ès déve­loppe la “Série Popu­laire”, née du désir de revi­si­ter des évé­ne­ments ras­sem­bleurs connus et codi­fiés. Le col­lec­tif est notam­ment asso­cié à Mille Pla­teaux CCN La Rochelle (2022 à 2024) et au pro­jet de la Mai­son de la danse de Lyon.