Marie de Quatrebarbes : Rhétorique musculaire
Bourses d’écriture
Extrait de Voguer (P.O.L, 2019)
« L’espace autour de moi est une bulle de savon à l’intérieur de laquelle je m’oriente secrètement et mes actions ont lieu secrètement dans cet aquarium entre deux eaux
Je crois que la partie de ma vie qui était la plus secrète, un ruban de peau chiffonné, une citadelle, un cerveau, est à présent refermée
Je ne sens plus cette épine que je portais dans ma chair et qui me faisait pleurer
autrefois que je chantais en me berçant moi-même comme un abandonné, je ne sais pas
si quelque chose s’est éloigné ou je me tiens simplement à distance de cette chose
prononçant peut-être une parole, la seule parole vraie, lorsque se forme dans ma bouche un presque petit je ne sais pas qui ne m’a pas quittée
J’ai porté ce secret en secret, comme un dépeuplement. J’avais treize ou quatorze ans, je ne sais pas.
J’inventais mon costume, une couronne de fleurs blanches que je posais sur ma tête pour être vrai
Être vrai, c’est être capable de se fondre. Ressembler au garçon qui t’a braquée tout à l’heure, juste avant que tu n’arrives. Passer pour la parfaite school girl, la fille qui va à l’école, le pull-over croisé sur les épaules et les chaussettes tirées jusqu’aux genoux »
Biographie
Marie de Quatrebarbes est l’auteure de plusieurs livres de poésie et d’un récit. Elle traduit par ailleurs des poètes américains et co-anime la revue de traduction et de poésie « La tête et les cornes ». Son dernier livre paru, Voguer (P.O.L, 2019) se présente comme un enchaînement de figures inspirées du film de Jennie Livingston Paris is burning, mais aussi de Pasolini et de Kleist. Les questions qui ont émergé lors de l’écriture de ce livre (sur le geste, la pose, l’anatomie, le genre…) sont au cœur de son nouveau projet d’écriture. Dans Voguer, le mouvement partait d’un regard sur le corps pensé comme champ de luttes. Dans « Rhétorique musculaire », expression qu’elle emprunte à l’historien de l’art Aby Warburg pour qualifier la façon dont le mouvement peut procéder de formes fixes et d’états apparemment stables, elle poursuit une réflexion sur le mouvement émancipateur, examinant la manière dont les enjeux propres à la pratique chorégraphique permettent d’approcher une poétique du geste.
Bibliographie
Voguer, P.O.L, 2019
John Wayne est sous mon lit, Cipm, 2018
Gommage de tête, Éric Pesty Éditeur, 2017
La vie moins une minute, Lanskine, 2014
Les pères fouettards me hantent toujours, Lanskine, 2012