Plus de dix ans après la créa­tion de sa pre­mière pièce, Quar­tiers Libres, Nadia Beu­gré renoue avec le solo. La cho­ré­graphe ivoi­rienne porte aujourd’hui son regard sur les terres de son enfance, entre mémoire col­lec­tive et sou­ve­nirs intimes.

L’idée de cette nou­velle créa­tion naît en 2020, tan­dis que Nadia Beu­gré tra­vaille au quin­tet mas­cu­lin L’homme rare, à la fin duquel elle monte sur scène et prend place, de dos et nue, sur un pagne blanc pour jouer quelques notes d’harmonica avant que le noir ne tombe sur la salle. La conclu­sion de cette pièce (pré­sen­tée au ccncn en juin 2024) lui appa­raît comme le début d’un nou­veau voyage, soli­taire cette fois, qui la mène vers Yika­kou, le vil­lage de ses aïeules en Côte d’Ivoire. C’est un retour impos­sible car ce vil­lage secret et fan­tas­tique n’existe plus : ses terres – jugées mau­dites – sont aujourd’hui recou­vertes par la forêt mais le voyage suit d’autres traces. Celles de la figure grand-mater­nelle, d’abord : Gba­hi­ho­non, la “femme qui dit ce qu’elle voit”, déten­trice des savoirs, qui pro­té­geait la petite com­mu­nau­té́ contre les attaques, phy­siques ou mys­tiques, et savait pré­dire le des­tin des nou­veau-nés. Celles d’autres femmes puis­santes, ensuite, sou­vent mécon­nues mais qui firent et défirent empires et lignées, comme l’oracle Dô-Kamis­sa, à l’origine de l’épopée légen­daire de Soun­dia­ta qui a tra­ver­sé les siècles. Habi­tée par ces voix, la cho­ré­graphe s’entoure d’une femme griot, por­teuse des récits oubliés, et d’une musi­cienne et chan­teuse, qui se feront l’écho et le témoin de son histoire.

Biographie
Nadia Beugré gran­dit à Abid­jan et fait ses pre­miers pas dans la danse tra­di­tion­nelle en 1995 au sein du Dante Théâtre. En 1997, la ren­contre avec Béatrice Kombé est fon­da­trice : avec la com­pa­gnie Tché-Tché, elle se pro­duit dans le monde entier et com­prend, aux côtés de cette femme immen­sé­ment libre, que la scène est comme un ring sur lequel tout peut arri­ver. Après la dis­pa­ri­tion de Béatrice Kombé, elle suit la for­ma­tion “Outillages Cho­ré­gra­phiques” à l’École des Sables, au Séné­gal, puis intègre en 2009 le mas­ter ex.e.r.ce à Mont­pel­lier, sous la direc­tion de Mathilde Mon­nier. Elle com­mence à y tra­vailler la matière de Quar­tiers Libres (2012), pre­mier solo tou­jours au réper­toire de sa com­pa­gnie. Depuis, Nadia Beugré creuse un che­min sin­gu­lier au cœur des marges et des iden­ti­tés mou­vantes, qu’elles soient cultu­relles, sociales ou sexuelles. En 2015, elle monte sa pre­mière pièce de groupe, Lega­cy, puis déroule Tapis Rouge en 2017, Rou­kass­kass Club en 2019, L’homme rare en 2020, Filles-Pétroles et Prophétique (on est déjà̀ né.es) en 2023. Inter­prète, Nadia Beugré a col­la­boré avec Alain Buf­fard, autre ren­contre déter­mi­nante, mais aus­si Sey­dou Boro, Dorothée Munya­ne­za, Boris Char­matz, Ber­nar­do Mon­tet et Robyn Orlin. En 2023, elle reçoit le Prix Nou­veau Talent Cho­ré­gra­phie de la SACD. Elle est artiste asso­ciée à ICI-CCN de Montpellier.