Com­ment voyons-nous la musique ? Réponse avec Opus où la scène est une par­ti­tion, les corps des instruments.

En seule­ment trois pièces, le cho­ré­graphe Chris­tos Papa­do­pou­los s’est taillé une place de choix sur la scène inter­na­tio­nale, por­tant haut le renou­veau de la danse contem­po­raine grecque. Entre Elve­don, une pre­mière et sai­sis­sante créa­tion ins­pi­rée par Les Vagues de Vir­gi­nia Woolf, et Ion, sa der­nière, abs­traite et char­nelle à la fois, por­tée par une impres­sion­nante foule de dix dan­seurs, se glisse Opus, une courte pièce de 2016 au mini­ma­lisme affir­mé por­tant sur la manière dont nous voyons la musique. On quitte ici les mou­ve­ments ondu­la­toires et imper­cep­tibles carac­té­ris­tiques des deux pièces pré­ci­tées pour abor­der une étude de la musique par le geste. Com­ment tra­duire sa struc­ture ? Il ne s’agit pas pour Chris­tos Papa­do­pou­los d’illustrer, encore moins d’incarner, mais de péné­trer dans l’écriture même de la musique.
Le cho­ré­graphe creuse la ques­tion à par­tir de L’Art de la fugue de Jean-Sébas­tien Bach qui nous appa­raît là sous un jour inédit. Aus­tères sil­houettes vêtues de noir dans une sorte d’androgynie fonc­tion­nelle, les dan­seurs et dan­seuses tels des ins­tru­ments retrans­crivent la par­ti­tion ryth­mique par des mou­ve­ments angu­leux de coudes, d’épaules et de genoux brus­que­ment sus­pen­dus. En décor­ti­quant ain­si la com­po­si­tion musi­cale, et en met­tant au jour les normes qui la régissent, Opus nous coupe de la per­cep­tion émo­tion­nelle de l’œuvre pour nous faire péné­trer dans son mou­ve­ment intrin­sèque comme dans le méca­nisme d’une hor­loge. Une expérience !