Très pré­sent à Caen depuis la sai­son pas­sée, Fran­çois Chai­gnaud s’est lui aus­si embar­qué dans l’aventure nor­vé­gienne avec la com­pa­gnie natio­nale Carte Blanche pour laquelle il a créé Souf­flette pré­sen­tée à Caen dans le cadre des Boréales. Pièce grand for­mat pour 14 dan­seurs, co-pro­duite par le Ber­gen inter­na­tio­nal Fes­ti­val, Souf­flette renoue avec la fas­ci­na­tion de Fran­çois Chai­gnaud pour l’époque médié­vale. Artiste curieux, cho­ré­graphe mais éga­le­ment his­to­rien, il avait pré­cé­dem­ment explo­ré les chants et la musique mys­tiques du Moyen Âge dans Sym­pho­nia Har­mo­niæ, à tra­vers la figure rhé­nane de Hil­de­garde de Bin­gen. Pour Carte Blanche, il confronte cette fois les pré­misses des chants poly­pho­niques à par­tir d’archives musi­cales des XII^e et XIII^e siècles au geste contemporain.

En argot, le terme de « souf­flette » désigne le geste de trans­mettre de la fumée d’une bouche à une autre. Un acte intime, consi­dé­ré comme éro­tique mais éga­le­ment geste paci­fique, durant lequel se trouve par­ta­gée une part à la fois essen­tielle et invi­sible et de notre exis­tence : l’air qui nous main­tient en vie et nous élève. Dans Souf­flette, il sera ques­tion d’un échange d’air par-delà les siècles. Que se pas­se­rait-il, se ques­tionne Chai­gnaud, si un souffle médié­val pas­sait par nos lèvres ? Si la mémoire des pre­mières poly­pho­nies s’incorporait au pré­sent par le souffle des dan­seurs ras­sem­blés pour cette pièce ? Nour­ris par ce puis­sant héri­tage, les dan­seurs s’embarquent dans l’aventure. Au cré­pus­cule, des ombres vêtus de cos­tumes de laine appa­raissent et se jettent dans des rituels enivrants. Ensemble ils cherchent à inven­ter aujourd’hui avec leurs seuls pieds, leurs voix, leurs corps et leurs rêves, une nou­velle com­mu­nau­té faite de chants, de rythmes, de danses fan­tômes et de muta­tions sans fin. Une célé­bra­tion d’été, pleine de vie, de chants, de danses et de délices. Et c’est comme si, nous dit Chai­gnaud, leurs propres corps deve­naient les autels sacrés d’un culte éternel.