Edito été-automne 2020
Selon Marcel Proust, le plus beau passage de L’Education sentimentale de Gustave Flaubert n’est pas une phrase, mais un blanc.
Pendant 600 pages, il reporte dans les moindres détails la vie de son « héros ». Nous sommes en 1851. Et puis une page plus tard.
« Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.
Il revint.
Il fréquenta le monde, et il eut d’autres amours encore. Mais le souvenir continuel du premier les lui rendait insipides ; et puis la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue.
Ses ambitions d’esprit avaient également diminué. Des années passèrent ; et il supportait le désœuvrement de son intelligence et l’inertie de son cœur.
Vers la fin de mars 1867, à la nuit tombante, comme il était seul dans son cabinet, une femme entra. »
Nous avons accepté ces derniers mois comme une ellipse temporelle, un temps bruissant que nous avons choisi de faire silencieux.
Le ralentissement de nos présences au monde réel et virtuel a été une nécessité ressentie et voulue par l’ensemble de l’équipe du centre chorégraphique national de Caen.
Nous avons pris nos responsabilités et accompagné l’ensemble des équipes artistiques et techniques afin qu’elles puissent traverser cette période dans la plus grande sérénité.
Mais le plus important est que nous avons décidé de ne pas nous ré-inventer.
Non, nous allons célébrer, rendre encore plus visible ce qui est déjà là, le projet que nous partageons avec vous.
Voir, faire, échanger, expérimenter, tenter de comprendre : nous traversons ensemble de véritables expériences artistiques, intellectuelles et humaines.
Depuis cinq ans, nous sommes présents avec ce que nous sommes : un lieu du sensible où la danse est au cœur d’une vision artistique, politique et citoyenne, un espace de projets partagés qui interroge le monde dans lequel nous vivons.
Durant l’été et tout l’automne prochain, nous vous proposerons des rendez-vous avec des artistes au travail (chorégraphes, musiciens, plasticiens, architectes…), des terrains de jeu pour ensauvager la ville, des intrusions poétiques.
Vous êtes toujours et encore les bienvenu.e.s.