Gabriel Gauthier : La bibliothèque du rose et du vert
Bourses d’écriture
Je conçois depuis longtemps une gratitude extrême envers les livres de la Bibliothèque Verte et Rose, m’interrogeant sur ce que des séries telles que Alice, Langelot, Le club des cinq, Fantômette, ont fait à mon vocabulaire, sur le pouvoir de quelques phrases que je trouve remarquables quand on les prend pour elles seules, en ce qu’elles réussissent à maintenir un état de constant suspens, une tension libérée de toute histoire où ne subsistent que des états d’alerte : La gigantesque voiture noire fonçait dans le noir / L’avion perdait de l’altitude / La lampe éclairait mal la petite pièce / Mais le soleil brillait dans un ciel si clair qu’elles étaient persuadées que leurs montres retardaient…
Encore marqué jusqu’à l’inquiétude par les mécaniques obscures qui semblent à l’oeuvre dans cette littérature enfantine — Où conduisent les voitures qui disparaissent dans un virage à la fin d’une phrase ? — je continue d’écrire des poèmes pleins de personnages qui ont la passion des énigmes, d’inconnus qui rodent autour de demeures étranges et que l’on confond avec des fantômes, de mystérieuses lueurs aperçues près de phares abandonnés, d’excursions à vélo, de boites rouillées découvertes sous des lames de parquet et de messages codés pliés dans des poches de manteaux, comme la possibilité d’un univers miniature qui contiendrait un nombre infini de secrets que l’on pourrait découvrir en suivant ces phrases phosphorescentes.
En 2020, j’avais publié un long poème qui s’appelait Speed et narrait la quête infinie de signes d’un personnage nommé Olivia Speed. Le poème traitait, entre autre, de la part de fiction que nous portons en nous et que recèlent les choses et les personnes qui nous entourent. À sa parution, je voulais que ce livre soit l’épisode introductif d’une série de poèmes d’aventures qui développerait un peu plus en détails l’univers archétypal présenté dans Speed. Emilien Chesnot avait alors écrit quelque part que « Speed est le nom de la méthode que [j’ai] choisie pour comprendre et fabriquer [ma] vie en récit ». C’est cette méthode que je nous propose de poursuivre.
« les aventures d’Olivia Speed seront toutes de cet ordre
et parfois j’ai pensé acheter sa complicité
en me faisant passer pour elle comme
de temps en temps elle oubliait qui elle était
et se vengeait en jettant à la mer
les épices les drogues l’encens le bois de rose et
de santal les perles et les pierres précieuses
les tissus de soie les mousselines et tous
les ornements des phrases puis incendiait la ville »
Biographie
Gabriel Gauthier est diplômé des Beaux-arts de Paris. Il fait des performances avec Elsa Michaud (Cover, Rien que pour vos yeux), de la musique et des livres. Il a publié Simurgh & Simorgh au Théâtre Typographique et Speed chez Vies Parallèles. Son travail a été présenté à La Ménagerie de Verre, aux Laboratoires d’Aubervilliers, au Centre National de la Danse, au Centre International de Poésie Marseille, à la Maison de la poésie de Rennes, de Nantes et dans plusieurs festivals : Camping, Actoral, Plastique Danse Flore, Entre Cour et Jardins…
Au CCN de Caen et à l’Imec, il consultera principalement le fond d’archives Hachette de la Bibliothèque Rose et Verte, poursuivant l’écriture d’un nouvel épisode de Speed et d’une performance autour de la morphologie des phrases de roman.
Partenaires
En partenariat avec l’Imec