Yesmine Karray : Les Possédées : de la transe à la contre-danse
Bourses d’écriture
Partant des données d’une enquête ethnographique conduite précédemment sur la transe mystique féminine et les danses de possession dans la Tunisie contemporaine, je souhaiterais travailler à un projet d’écriture, qui se situe à la croisée de la recherche en sciences humaines et de l’écriture littéraire, afin d’explorer le rapport complexe qui lie cette forme de transe à la danse. Si des anthropologues ont pu, par le passé, parler au sujet des transes spécifiques aux sanctuaires soufis en Tunisie, de « danse de possession » pour qualifier la transe féminine de la hadhra, par opposition au rituel du Dhikr masculin qui octroie au corps une part plus marginale, j’ai été interpellée par la distinction nette opérée par l’officiante du rituel, entre les séquences chorégraphiques stéréotypées de la transe, et la danse profane, interdisant la seconde au profit de la première, faisant de cette dernière une sorte de « contre-danse ».
Adoptant une certaine diversité formelle qui mobilise aussi bien des références académiques, que les possibilités de l’écriture littéraire et de l’imagination (aphorismes, poésie, calligrammes, voire l’écriture théâtrale pour des scènes de dialogues imaginaires), j’essayerais de mettre en dialogue les multiples aspects de cette transe, croisant l’objectif, l’externe, la danse « observée », avec le subjectif, l’interne (notamment les phénomènes de visions médiumniques ou d’amnésie des possédées) : la danse vécue. Pour tenter de mettre en mots, ce qui s’épuise difficilement par le concept : à savoir toute la part d’émotion, de lyrisme, d’exaltation et de mysticisme que cette expérience implique.
Biographie
Normalienne diplômée de l’ENS Ulm en philosophie et en écritures créatives, Yesmine Karray a un parcours qui se situe à la croisée de la recherche en sciences humaines et de l’écriture. Actuellement doctorante en philosophie à l’ENS Lyon, elle s’est beaucoup intéressée au phénomène de la transe mystique féminine et des danses de possession dans la Tunisie contemporaine, et y a conduit une étude de terrain suite à l’obtention d’une bourse du Programme Gradué en Sciences des Religions de PSL. Elle est également l’autrice de trois romans publiés aux éditions Déméter et s’intéresse au dialogue entre art et humanités, en produisant des textes littéraires ou philosophiques en écho à des expositions d’art contemporain, notamment pour la galerie Central Tunis ou encore pour l’exposition d’art pluridisciplinaire « Connectivité » qui s’est tenue en novembre 2022 à l’occasion du XVIIIème Sommet de la Francophonie.