Face à l’expulsion du Marais du 22 octobre 2019 : le Manifeste normand

Après l’ex­pul­sion du squat du Marais, un lieu d’ac­cueil cultu­rel et poli­tique alter­na­tif, « oasis d’hospitalité », un col­lec­tif d’or­ga­ni­sa­tions et lieux cultu­rels nor­mands déplorent l’in­vi­si­bi­li­sa­tion par l’E­tat de « l’insertion des exilé·e·s sur le ter­ri­toire mais aus­si de l’ensemble des gestes d’hospitalité des habitant·e·s », et exhortent le poli­tique à prendre « sa part de responsabilité ».

Pour un véri­table par­tage des responsabilités.
Pour garan­tir le res­pect des droits humains et de la digni­té de la personne.
Contre une poli­tique de non-résolution.

Parce que le squat du Marais était deve­nu à Caen un lieu d’accueil alter­na­tif, cultu­rel et poli­tique, ouvert à tou·te·s, parce qu’il était une oasis d’hospitalité, parce que des asso­cia­tions, des col­lec­tifs mili­tants, des citoyen·ne·s soli­daires, des struc­tures cultu­relles y inter­ve­naient régu­liè­re­ment pour y par­ta­ger des acti­vi­tés, son éva­cua­tion nous enrage, nous fait honte, nous est incompréhensible.

Ce lieu était exem­plaire. Mais ce lieu n’est plus.

Ce choix de l’expulsion nous appa­raît comme une volon­té de rendre invi­sibles l’insertion des exi­lé·e·s sur le ter­ri­toire mais aus­si l’ensemble des gestes d’hospitalité des habi­tant·e·s. Nous pen­sons que c’est un non-sens quant à notre devoir d’hospitalité.

Car oui, nous avons une res­pon­sa­bi­li­té à deve­nir hôte. Et cette res­pon­sa­bi­li­té est loin d’être par­ta­gée par l’ensemble des acteurs publics. Par­tout en France, le poli­tique détourne le regard et n’as­sume pas sa part de res­pon­sa­bi­li­té, lais­sant les asso­cia­tions, les squats, les ini­tia­tives citoyennes et soli­daires, les ONG, les struc­tures cultu­relles, répondre aux urgences des situa­tions, accom­pa­gner des per­sonnes en détresse, et répondre à la ques­tion du com­ment vivre au mieux ensemble la ville d’accueil.

Plu­sieurs années de ces poli­tiques ont engen­dré non pas l’é­ra­di­ca­tion du phé­no­mène, mais son aggra­va­tion. En se dépla­çant de squats en squats, les familles recons­ti­tuent des abris tou­jours un peu plus précaires.

Nous condam­nons l’absence de prise de posi­tion sur une réelle poli­tique migra­toire et éco­lo­gique d’une majo­ri­té de nos élu·e·s et de l’État.
Com­ment nos élu·e·s, l’É­tat, peuvent-ils mettre en dan­ger des familles vulnérables ?
Quelles autres alter­na­tives ont-ils à pro­po­ser que cette valse-hésitation ?
Quel futur enten­dons-nous pré­pa­rer ensemble ?

Serait-il si inco­hé­rent de pro­po­ser une socié­té gui­dée par l’équité, l’écologie, l’hospitalité et la soli­da­ri­té ? Serait-il si irréa­liste d’i­ma­gi­ner que dans toutes les villes de France et d’Europe, il puisse exis­ter des lieux sem­blables pour accueillir les exi­lé·e·s ? Que, dans ces lieux, on tra­vaille à inven­ter chaque jour un pré­sent digne et des futurs possibles ?

Il est désor­mais plus que temps de s’inscrire dans un réel construc­tif, dans le res­pect des mino­ri­tés, et de pas­ser d’une socié­té de l’exclusion à une socié­té de l’inclusion.

Le mar­di 22 octobre 2019, en Normandie.

Signa­taires : 

Les signa­taires de De l’Hospitalité – Mani­feste nor­mand, un col­lec­tif ras­sem­blant les lieux cultu­rels nor­mands, sont à retrou­ver sur change.org.
Le pre­mier texte du Mani­feste Nor­mand a été publié dans les Invi­tés de Media­part le 22 jan­vier 2019.