Interview Yasmine Hugonnet

Yas­mine Hugon­net est dan­seuse et cho­ré­graphe. Née à Mon­treux en 1979, elle vit et tra­vaille entre Lau­sanne et Paris. Sa réflexion sur le geste est for­te­ment nour­rie par ses ren­contres avec Odile Rou­quet, Peter Goss, et Lisa Nel­son. Après dif­fé­rentes expé­riences cho­ré­gra­phiques dans plu­sieurs pays, elle fonde sa com­pa­gnie Arts Mou­ve­men­tés en 2010 à Lau­sanne et pro­duit trois solos remar­qués : en 2013 Le Rituel des Fausses Fleurs, en 2014 Le Réci­tal des Pos­tures et en 2015 La Tra­ver­sée des Langues pré­sen­tée aux Prin­temps de Séve­lin dans le contexte du Pro­gramme Com­mun des Théâtre de Vidy et de l’Arsenic à Lausanne.

En 2015, Yas­mine Hugon­net a été artiste asso­ciée pour deux ans au Théâtre Séve­lin 36 à Lau­sanne, avec le sou­tien de Pro Hel­ve­tia dans le cadre du pro­jet YAA !
La Ronde/ Qua­tuor (créa­tion 2016) est copro­duite et pré­sen­tée par les Ren­contres cho­ré­gra­phiques inter­na­tio­nals de Seine St Denis, et pré­sen­tée éga­le­ment à la Bien­nale de Danse de Venise. Son tra­vail est aujourd’­hui sou­te­nu par le Théâtre de Vidy à Lausanne.

Pré­sente à Caen pour un temps d’accueil-studio pour sa pro­chaine créa­tion : le trio Chro no lo gi cal. Yas­mine Hugon­net y déve­loppe un tra­vail sur la voix et la ven­tri­lo­quie mais aus­si sur les gestes notam­ment les micro mou­ve­ments qu’elle nomme les pré-mouvements.

Ren­contre !

Peux-tu te pré­sen­ter et nous dire com­ment tu es venue à la danse ?

Mon pre­mier pas vers la danse était ini­tié par l’amitié. Ma meilleure amie pre­nait des cours de danse clas­sique et j’avais envie de la suivre, de l’imiter, j’avais 6 ans.
Ensuite la danse a tou­jours été un moyen de me déve­lop­per, autant au niveau cor­po­rel, que de la réflexion et bien sûr de la création.

Peux-tu nous dire quelques mots sur Chro no lo gi cal. dont nous ver­rons une répé­ti­tion publique au ccn ?

Chro no lo gi cal est une forme de concert cho­réo- graphico-musical
Nous sommes actuel­le­ment en créa­tion alors nous nous bai­gnons dans plu­sieurs bassins…
Nous tra­ver­sons la phy­sique quan­tique qui pose la ques­tion de l’existence même du temps, on voyage vers le 1er siècle avant JC avec Lucrèce, qui s’interroge sur la manière dont la terre peut se main­te­nir au milieu de l’univers sus­pen­due, on s’accroche à l’alphabet tel un fil d’Ariane pour par­cou­rir l’espace-temps qui n’est plus un cadre-boite, mais une plu­ra­li­té de champs de forces…
On goûte en bouche le goût du latin…

Nous obser­vons notre rela­tion au temps (son arti­cu­la­tion dans le lan­gage et ses repré­sen­ta­tions) : le temps per­çu comme une sen­sa­tion sub­jec­tive de pas­sage qui peut se dila­ter ou se conden­ser ; soit comme mesure, le temps objec­tif cal­cu­lé par l’horloge… y a t il d’autres visions ?

Dans mon tra­vail sur le geste, je joue d’une sorte d’écartèlement entre le moment de « main­te­nant » et le sui­vant : ceci en lais­sant chan­ger seule­ment par­tiel­le­ment la pos­ture ini­tiale, alors que tout le reste, ce qui ne se meut pas, résiste abso­lu­ment et tente de ne pas se lais­ser altérer.
Il y a un espace qui se meut mais qui échappe à l’œil. Tout n’est pas visible bien qu’il consti­tue per­mette l’apparition du visible.
Entre une pos­ture et ces poten­tia­li­tés c’est aus­si dans l’esprit du spec­ta­teur que s’active le mouvement.

Quel est le der­nier film, spec­tacle ou expo que tu as vu et que tu aurais envie de par­ta­ger avec nous ?

J’ai vu der­niè­re­ment Mas­cu­lin Fémi­nin de Jean Luc Godard qui date de 1966. J’ai tant de plai­sir à rebon­dir sur tour les niveaux de dis­cours conte­nus dans l’écriture de Godard et dès le pre­mier plan, voir ce jeune homme qui pense et écrit tout en nous par­lant à haute voix.
Etre au cœur d’une pen­sée vivante qui est intime et offerte en même temps.

Pro­pos recueillis – juillet 2018
ab.