Centre Chorégraphique National de Caen en Normandie.
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Olivier Sylvestre : Retour à Laval

Bourses d’écriture

Récit très libre­ment ins­pi­ré par la démarche socio­lo­gique de Retour à Reims de Didier Eribon.

« c’est fou com­ment la peur de paraître gay
c’est una­ni­me­ment répandu
quand je visite des écoles secondaires
pour des ate­liers des conférences
parce qu’imaginez-vous donc
que je suis un auteur un écrivain
qui a assez de vécu pour faire des confé­rences entières
juste sur son parcours
même en 2024
peu importe où
même dans le centre le plus artiste-bran­ché-woke-anti-raciste-queer-mul­ti­cul­tu­ra­liste-inter­sec­tion­nel de Montréal
les gars en ont peur
c’est intégral
c’est la pire chose du monde
nos pères en ont eu peur toute leur vie
c’est pour ça qu’ils ont pas été affec­tueux avec leurs fils
avec leurs frères leurs cou­sins leur propre père
ou pas assez en tout cas
pis qu’ils nous l’ont transmise
être affec­tueux entre hommes
au fond
c’est gay
mais c’est pas tout
se mon­trer atten­tion­né envers son ami qui a de la peine
avoir des émotions
lais­ser pas­ser quelqu’un dans une file
se faire dépas­ser sur l’autoroute
oh ! ça ! ça ! c’est gay
avoir l’œil pour la décoration
aimer flat­ter les chats
aimer le linge qui nous fait bien
qui nous donne des belles fesses
chan­ger de bobette chaque jour
se tri­mer les poils de poche
don­ner rai­son à quelqu’un d’autre
tout ça
c’est ultra gay
embras­ser cares­ser se mon­trer tendre
envers quiconque
même envers une femme
quand on est un homme
au fond quand on y pense
c’est tel­le­ment gay

c’est encore et tou­jours la pire chose
qui puissent nous arri­ver à nous
les gars

c’est pas vrai ?
dites-moi les gars
jurez-moi
que c’est pas ça qui vous freine tout le temps
d’apprécier le contact phy­sique entre vous
de vous prendre dans vos bras
de vous embrasser
d’embrasser votre père votre frère votre ami
parce qu’au fond vous aimez ça
le contact phy­sique un peu robuste
que vous vous per­met­tiez entre vous
dans l’équipe de foot­ball de hockey du collège
dans cer­tains contextes extrê­me­ment pré­cis et balisés
je le sais
ces contextes-là moi j’en ai tou­jours été exclu
parce que vous vous méfiiez de moi
t’à coup que c’était vrai
ce que vous disiez de moi »

Bio­gra­phie
Auteur et tra­duc­teur, Oli­vier Syl­vestre détient un bac­ca­lau­réat en cri­mi­no­lo­gie de l’Université de Mont­réal ain­si qu’un diplôme d’écriture dra­ma­tique de l’École natio­nale de théâtre. Tra­duits en plu­sieurs langues et joués au Qué­bec et en Europe, lau­réats de nom­breux prix, ses textes lit­té­raires et ses pièces sont pour la plu­part publiés chez Hamac, où il dirige depuis 2022 la col­lec­tion Théâtre. Il y a fait paraître noms fic­tifs (fina­liste aux prix du Gou­ver­neur géné­ral 2018), le désert, et trois pièces, La loi de la gra­vi­té (tra­duite en anglais et en alle­mand, lau­réate de nom­breux prix), Guide d’éducation sexuelle pour le nou­veau mil­lé­naire (fina­liste au prix Michel-Trem­blay 2020) et Les Sen­ti­nelles (lau­réate du prix Sce­nic Youth 2020 et de l’Aide à la créa­tion d’ARTCENA). Sa plus récente pièce tout public, Dans la forêt dis­pa­rue, est lau­réate du prix Louise-LaHaye de la Fon­da­tion du Centre des auteurs dra­ma­tiques 2022. Il a œuvré pen­dant plus de dix ans comme inter­ve­nant en dépen­dance et tra­vaille éga­le­ment comme auteur scé­nique, ani­ma­teur d’ateliers et conseiller dra­ma­tur­gique et lit­té­raire. Il vit à Montréal. 

Biblio­gra­phie

  • Beau gars, d’Erin Shields (tra­duc­tion), Hamac, 2023.
  • Les Sen­ti­nelles, Hamac, 2022.
  • « le rituel » et « En secon­daire trois », nou­velles, Revue XYZ, 2021 et 2022
  • La serre Concorde, de Jor­dan Tan­na­hill (tra­duc­tion), Dra­ma­turges Édi­teurs, 2021
  • « Syl­vie », nou­velle, col­lec­tif « Cruelles », Édi­tions Tête Pre­mière, 2020.
  • Guide d’éducation sexuelle pour le nou­veau mil­lé­naire, théâtre, Hamac, 2020
  • La loi de la gra­vi­té, théâtre, Hamac, 2019 & The Law of Gra­vi­ty, tra­duc­tion de Bob­by Theo­dore, Play­wrights Cana­da Press, 2021
  • Madame Cathe­rine pré­pare sa classe de troi­sième à l’irrémédiable, d’Elena Belyea (tra­duc­tion), Dra­ma­turges Édi­teurs, 2019
  • le désert, récit, Hamac, 2019
  • « me péter la cenne », dans le col­lec­tif « Avec pas une cenne », Qué­bec Amé­rique, 2019.
  • noms fic­tifs, récits, Hamac, 2017
  • Agokwe, de Waa­waate Fobis­ter (tra­duc­tion), Dra­ma­turges Édi­teurs, 2016
  • La grande échap­pée, théâtre, Lans­man, 2016
  • La beau­té du monde, théâtre, Leméac, 2015
  • Le no-pain réveillon, col­lec­tif « Contes urbains », Dra­ma­turges Édi­teurs, 2013
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