Edito 2019
Nous vous offrons « la lune en plein midi, à minuit le soleil ». (1)
L’oxymore est poétique et non politique.
L’étonnement vient de l’Art. Nous ne voulons pas être sidérés par le politique.
Cette année, nous avons choisi de vous faire rencontrer des artistes et des œuvres qui questionnent fondamentalement leur relation au monde dans une poétique de l’oxymore.
Complexe diriez-vous ? En fait, pas tant que ça !
L’oxymore est une figure de style qui consiste à unir dans un même groupe deux mots dont le sens est apparemment contradictoire. Suscitant la surprise, l’oxymore exprime ce qui est inconcevable. Il crée donc une nouvelle réalité poétique.
Aujourd’hui, celles et ceux qui nous gouvernent pratiquent une politique de l’oxymore : « guerre propre », « développement durable », « rupture tranquille », « capitalisme à visage humain », « voiture écologique », « discrimination positive », « croissance sociale » etc.
En tant que citoyennes et citoyens, nous recevons des injonctions contradictoires et cela contribue à nous rendre admissible ce qui est inadmissible. Nous en comprenons l’incohérence mais en sommes sidérés.
Le politique s’est emparé d’une figure rhétorique et la tord pour fuir devant le réel, gommer les réalités qui fâchent, masquer les aspects de la condition humaine. (2)
Les artistes revendiquent leur place dans la société en se réappropriant ce qui leur appartient de droit : la poésie.
Nous nous plaçons ensemble, artistes, citoyens, spectateurs en plein milieu de ce monde qu’il nous faut sans cesse scruter, déchiffrer, poétiser.
L’équipe du centre chorégraphique national de Caen en Normandie s’engage à exprimer ce qui semble inconcevable, à unir ce qui semble contradictoire dans une réflexion d’ouverture vers les autres.
Nous vous invitons à penser l’art et l’hospitalité, à traverser des métamorphoses, à vous jouer des détournements, à créer des relations nouvelles entre Voir, Danser, Parler.
En 2019, nous vous proposons des fêtes sérieuses, des récits de traditions contemporaines, du burlesque dramatique, de « vous hâter avec lenteur » (3), de rencontrer des « fous normaux » (4), d’applaudir des « splendeurs invisibles » (5).
1- Du Bellay
2- En 2009, le philosophe Bertrand Méheust a signé un essai « La Politique de l’oxymore », qui soutient la thèse selon laquelle « l’invention et l’utilisation massive des oxymores par le pouvoir en place a atteint un degré inédit dans l’histoire. »
3- Jean de la Fontaine
4- Pierre Desproges
5- Arthur Rimbaud