HOSPITALITÉ

À l’heure où la repré­sen­ta­tion natio­nale va dis­cu­ter de la nou­velle pro­po­si­tion de loi pré­sen­tée par le gou­ver­ne­ment en vue de réfor­mer le droit d’asile, nous sou­hai­tons, parce que c’est la fonc­tion du théâtre, au-delà des spec­tacles que nous pré­sen­tons au public, par­ti­ci­per d’un débat qui n’est pas à nos yeux com­pa­rable à tous les autres : celui du devoir d’hospitalité.

Nous vou­lons le faire en avan­çant des pro­po­si­tions qui nous semblent justes et concrètes :

1 N’ont frap­pé à la porte de la France qu’à peine 10 % de ceux qui ont deman­dé l’asile en Europe. En 2018 la demande d’asile en France sera, pré­voient les auto­ri­tés, de 120 à 150 000 per­sonnes. La France n’a pour leur don­ner un héber­ge­ment, le temps que soient exa­mi­nées leurs demandes, que 85 000 places. Il y a donc une urgence à ouvrir des espaces d’hébergement pour tous. Des espaces qui soient aus­si des lieux de vie où l’on apprenne ce qui est indis­pen­sable pour cha­cun et qui fait le cœur même du théâtre : la langue. Quel que soit le deve­nir de ces deman­deurs, l’apprentissage de notre langue est le moyen pre­mier qui leur per­met­tra de par­ta­ger notre sen­si­bi­li­té et d’être aus­si les acteurs de cette fran­co­pho­nie que sou­haite déve­lop­per le Pré­sident de la Répu­blique. Les théâtres sont prêts à par­ti­ci­per à cet effort pour la langue comme lieu d’expérimentation du vivre ensemble en lien avec tous les publics.

2 Les deman­deurs d’asile, les migrants viennent dans notre pays pour y vivre en pleine liber­té par le tra­vail en par­ti­cu­lier. Nous les croi­sons dans de nom­breuses acti­vi­tés éco­no­miques, nous les voyons dans les théâtres mêmes. Ceux qui tra­vaillent doivent être régu­la­ri­sés. C’est une mesure utile pour la col­lec­ti­vi­té et une pro­tec­tion pour eux comme pour l’ensemble des sala­riés face à un patro­nat qui sou­vent n’aime les migrants que clan­des­tins afin de faire bais­ser les condi­tions de tra­vail pour tous.
Il y a là une urgence.

3 L’Europe n’est pas à la hau­teur, parce qu’en son sein des pays se refusent à par­ta­ger le devoir d’hospitalité. Ce n’est pas une rai­son pour lais­ser seules face aux désordres du monde la Grèce et l’Italie, ces deux pays qui ont vu naître ce qui est encore aujourd’hui notre âme cultu­relle. Ren­voyer un migrant en Ita­lie est absurde. La France doit mani­fes­ter concrè­te­ment sa soli­da­ri­té avec l’Italie en par­ti­cu­lier et ces­ser de ren­voyer en Ita­lie creux qui y ont dépo­sé leurs empreintes comme elle a ces­sé uni­la­té­ra­le­ment de le faire pour la Grèce. Elle n’aura plus ain­si à faire acte d’inhumanité à la fron­tière ita­lienne et aide­ra ain­si concrè­te­ment à lut­ter contre l’extrême droite et sa déma­go­gie qui se déve­loppe en Ita­lie en s’appuyant sur l’absence de soli­da­ri­té européenne.

De même, il faut être soli­daire de l’Allemagne qui a déjà vu sur son ter­ri­toire deux mil­lions de deman­deurs d’asile. Il ne faut pas ren­voyer les « Dubli­nés » en Alle­magne. C’est le contraire de la solidarité.

Enfin, nous pen­sons que notre rayon­ne­ment, notre capa­ci­té col­lec­tive à relan­cer un pro­jet euro­péen passe par l’exemplarité.

Notre pays a des besoins en loge­ments, en infra­struc­ture, en déve­lop­pe­ment éco­no­mique. Il doit sai­sir le fait de la migra­tion, qui ne s’arrêtera pas parce que c’est plus que jamais une don­née per­ma­nente de l’état du monde, pour repen­ser son modèle de socié­té afin de répondre au mieux aux besoins col­lec­tifs qui sont les nôtres.

Les deman­deurs d’asile doivent être accueillis et pen­sés comme une chance et non comme un pro­blème. Seule cette pos­ture intel­lec­tuelle per­met­tra de nous évi­ter le pire. Il faut que tout ce que nous met­tons en œuvre pour les migrants soit utile à tous et en par­ti­cu­lier aux plus défa­vo­ri­sés de nos conci­toyens. En construi­sant des loge­ments pour eux, en tra­vaillant notre langue et son appren­tis­sage, en repen­sant les condi­tions de tra­vail, en répon­dant à des besoins à la per­sonne dans des zones déser­tées, nous devons créer des modèles et des occa­sions d’améliorer la vie des pauvres pour qui le loge­ment est dif­fi­cile, l’école sou­vent en échec, le tra­vail un pro­blème, l’isolement un far­deau. Il faut ces­ser de dire et de faire croire que ce que nous fai­sons pour les étran­gers, nous ne le fai­sons pas pour nos conci­toyens les plus déshé­ri­tés. Nous devons au contraire tout faire pour que dans le même mou­ve­ment, la vie de tous et bien des choses malades ici dans notre pays pour ses citoyens eux-mêmes (l’école ; la san­té ; le loge­ment ; les ser­vices de proxi­mi­té ; le tra­vail etc.), soient améliorées.

SYNDEAC
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